Chaos
Sur la mare sage à l’ombre du campêcher, mon âme canot de papier voguait.
J’avais laissé mon corps sur la rive au beau milieu des mille et unes senteurs.
Le bonheur me couvrait comme un drap.
Dans l’or de la chaude journée montait la fumée bleue du four à charbon.
Là-haut la dent aigue de la Souffrière rayait le ciel
et son exhalaison voluptueuse se dissipait dans l’air au gré des Alyzées.
L’écho répétait les rires des enfants mutins et frondeurs.
Les mères faussement fâchées, hélaient leur progéniture.
Non, je n’ai pas vu venir du fin fond de l’horizon, l’ouragan qui a envahi nos vies.
Cris, vent, fureur et larmes, canot éventré, mon âme et mon corps s’en furent confus, en déchirures
Le potier sacré avait laissé s’écrouler le vase de la vie.
Il faisait maintenant nuit pour toujours.
Et toutes les lunes du monde n’y changeraient rien.
Puisque trois mots avaient résonné.
« Il faut partir ».
Désastres, de la nature, de l’amour, de la guerre, vous êtes pareils quand à nos portes vous sonnez.
Partir est impensable, mais quand on doit tout quitter, alors le Soi s’en va
L’être qui subsiste encore, tremblant de mille absences, cherche dans les yeux de « Celui-qui-accueille » un éclair d’humanité.