Sociétés et actualités

Dans les jardins d’humeur et d’actualités

 

Selon Footprint Data Foundation et la Global Footprint Network, dès le 5 mai 2022, la France était en dépassement par rapport aux ressources de la Terre. A ce jeu elle n’est pas le seul pays.

Le dépassement est un concept qui permet annuellement, de souligner la date à partir de laquelle les ressources de la terre sont entièrement consommées. Ainsi la pression exercée par l’humanité est clairement perceptible. En 1970 la date de dépassement se situait au 30 décembre. En 1996, le 30 septembre correspondait au signal de dépassement.  En 2019,  le 29 juillet  consacrait le moment fatidique, tandis qu’en 2020, c’était le 22 août. D’un point de vue mondial en 2021 nous avions atteint dès le 29 juillet le dépassement. Il est bon de noter qu’en raison des restrictions suscitées par la pandémie, la date en 2020 a été plus tardive. La décroissance fortuite mais réelle aurait elle fait ses preuves ?

Les causes du « dépassement » sont principalement : la déforestation, la surexploitation agricole, la surpêche et les émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de la relance des économies à la fin de la pandémie, les Etats auront-ils la sagesse d’inclure dans leurs programmes des mesures intégrant des modèles durables ?

Pour l’heure, porte-container et avion-cargo sillonnent mers et cieux, transportant des marchandises dont les coûts sont astronomiques à cause du nombre d’intermédiaires et des factures de carburant nécessaires pour ces déplacements

Sans toujours tout renvoyer sur les épaules des décideurs nationaux et locaux, pouvons-nous chacun, en toute responsabilité, nous orienter vers une  interaction plus conséquente avec nos territoires et leurs potentialités, de sorte qu’ils couvrent quelques-uns de nos besoins primaires?

Ainsi, un tour sur les marchés locaux des DFA interpelle quant aux coûts des produits alimentaires. Ils sont simplement hors de prix. Si les lois de l’offre et de la demande sont toujours vraies, l’exagération des marges, devrait conduire à la résistance et à la mise en place de stratégies différentes, notamment celles de l’auto-suffisance jusqu’au niveau des unités de consommation familiale. Lors de la dernière guerre mondiale face à la pénurie, ces pratiques existaient. Le contexte a changé certes, mais induit-il une irréversibilité des comportements?

A ce propos dans les parler Créole, un énoncé retient particulièrement l’attention, il survient dans le discours créolophone à propos d’un évènement faisant disparaître de façon brutale, une source fiable de revenu :

– KON SA YE LA, MWEN A LA DEFENS*[1].

Cette énonciation requiert attention dans son examen, car non seulement elle souligne une posture que prend l’individu alors que les événements le réduisent à la dernière extrémité. Mais par ailleurs, l’analyse fine, fait ressortir également qu’il est sur ses gardes et en même temps, actif, inventif, avec une détermination puissante, celle de tout mettre en œuvre pour se tirer d’une condition où les issues sont problématiques. Il fera donc flèche de tout bois. Cette volonté farouche qui est signifiée dans l’esprit de la langue, (mais les langues évoluent) aurait-elle désertée les psychés populaires, pour laisser la place à l’attente passive d’un dénouement où l’Etat à dessein Providence voire toute autre instance, s’investirait pour dénouer une situation- problème ?

A ce stade de réflexion, il faut espérer que la mémoire collective et son expérience n’aient pas disparues pour toujours, dans les fentes du parquet de l’oubli. Ainsi par exemple, les productions végétales présentes dans des « bombes[2] » sur les balcons ainsi que les cages de lapins et de poules seraient elles des tim-tim tout droit sortis d’imagination délirante, ou serait-ce une réalité citadine des DFA au cours des années cinquante, soixante voire soixante-dix  pour ceux qui s’étaient installés depuis peu dans l’En-ville, eux qui n’avaient pas ou plus les moyens, se trouvaient être « à la résistance et à la défense». Ainsi, des produits agricoles prospéraient sur les toits en terrasse, étaient consommés en famille ou échangés dans la parentèle contre d’autres biens. Parfois, les lakous, leurs espaces et les arbres (mangues – fruit à pain etc…) se révélaient providentiels.

S’il est vrai que l’architecture a changé aujourd’hui et que l’augmentation de la population citadine a conduit à la densification des villes et à des choix de constructions en hauteur, serait-il impossible  messieurs les concepteurs de songer à enclore dans ces programmes, des jardins partagés ?

Bref on l’aura compris, les habitudes ancestrales d’auto production familiale et de production locale à plus large échelle sur les territoires me paraissent de nature d’une part à faire sinon cesser la dépendance vis-à-vis des productions extérieures, mais au moins à la diminuer.  D’autre part, il s’agirait de garantir que les interactions entre l’homme et la nature se fassent dans un cadre où les gestes ancestraux de nos Cultures, dans leur simplicité, autorisent un meilleur ratio de l’usage des ressources de la terre. En clair, il serait indiqué de changer de comportements en post-hypermodernité afin que depuis nos territoires et nos cultures, nous puissions contribuer à éviter que la planète bleue ne vire au rouge dans le cadre d’un irréversible dépassement.

 

[1] Traduction de la phrase : Présentement, je suis au combat

[2] Bombes : récipient en métal, de taille moyenne envoyé depuis la France et contenant de l’huile du beurre ou d’autres denrées, les récipients une fois vidés et découpés faisaient de parfaits contenants, requis pour divers usages y compris l’agriculture.